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Les herboristes veulent prendre racine

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Message  Nynaeve Jeu 26 Sep - 13:03

Les herboristes veulent prendre racine
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 25.04.2013 à 15h51 • Mis à jour le 26.04.2013 à 14h57 |
Par Sabah Rahmani


Officiellement, les herboristes n'existent pas, ou plus. Depuis 1941, la profession a été supprimée par le régime de Vichy, qui céda à l'époque le monopole de l'herboristerie aux pharmaciens d'officine. Seuls ceux qui exerçaient déjà avaient le droit de continuer. Aujourd'hui, l'unique rescapée a atteint les 90 ans, mais son savoir-faire ancestral n'a pas disparu pour autant, même s'il est fragilisé.

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Tisanes, crèmes, huiles de massage..., depuis une dizaine d'années les remèdes de grand-mère ont le vent en poupe. Face à une demande de plus en plus forte du public pour des "soins plus naturels", la quinzaine d'herboristeries recensées en France ont du mal à se faire une place officielle aux côtés des 22 000 pharmacies. Souvent inclassables, héritiers d'une image médiévale de "sorciers" manipulant des plantes de manière artisanale, les herboristes sont au carrefour de la pharmacie, de la botanique, de l'agriculture, de la médecine et de l'anthropologie. A quoi l'herboristerie sert-elle ? Ses remèdes sont-ils efficaces ? Qu'en dit la science ?

"UN MÉTIER À PART ENTIÈRE"

Le 4 avril, Michel Pierre comparaissait en appel, après relaxe, au tribunal de Paris pour "exercice illégal de la profession de pharmacien". Depuis plus de quarante ans, il offre ses conseils, prépare et met en sachets des plantes médicinales à l'Herboristerie du Palais-Royal, la plus ancienne de France. Formé par la défunte herboriste - diplômée avant 1941 - Mlle Magallon, et associé à elle, le préparateur en pharmacie avait repris le flambeau. "C'est un métier à part entière, défend l'intéressé. Nous connaissons très bien les plantes. On le voit tous les jours, on a des résultats. Les gens viennent chercher du confort pour une mauvaise digestion, un problème d'acidité de l'estomac, pour soulager les douleurs de rhumatisme ou encore pour compléter un traitement médical contre l'hypertension ou la ménopause."

Troubles digestifs, maux de gorge, nervosité, insomnie, rhume, etc., l'herboristerie est surtout sollicitée pour des dysfonctionnements courants et se positionne comme un outil de prévention dans la préservation d'une bonne santé. "Mais nous sommes bien conscients que nous ne pouvons en aucun cas remplacer le médecin", prévient Michel Pierre, qui rappelle que certains de ses clients sont envoyés par leur médecin : "C'est une preuve de confiance."

Utilisées depuis la nuit des temps dans le monde entier, les plantes médicinales ont été délaissées en France au milieu du XXe siècle au profit des médicaments chimiques synthétiques - même si un quart à un tiers des médicaments sont aujourd'hui issus d'extraits de plantes.

"SAVOIR ANCESTRAL"

"Sur le plan scientifique, de nombreuses pistes et faits pharmacologiques apportent des preuves d'activité concernant des plantes dites "médicinales", explique Robert Anton, professeur émérite en pharmacognosie à l'université de Strasbourg. Si l'on sait qu'une infusion de follicules ou de feuilles de séné est laxative, voire purgative - prouvé en pharmacologie et par des études cliniques -, on ne dispose pour d'autres plantes que du savoir ancestral empirique, notamment par le biais des pharmacopées traditionnelles écrites, avec un long recul d'utilisation - ce qui rassure - et sans problèmes apparents dans leur utilisation."

Si les structures chimiques sont connues chez la plupart des plantes, peu d'entre elles font l'objet d'études cliniques pour prouver leur efficacité. "Le coût de ces tests est considérable car chaque cas clinique doit être suivi. De plus, les résultats ne sont guère brevetables (la nature appartient à tous) et, par conséquent, puisqu'elles peuvent, dans certains cas, donner satisfaction, pourquoi vouloir prouver ce qui paraît évident et qui fait partie du patrimoine ancestral ?" rappelle le professeur Anton. Entre science officielle et empirisme, la connaissance des plantes médicinales est donc loin d'être exhaustive.

Plus nombreuses, les monographies officielles de la pharmacopée française et européenne rassemblent des données scientifiques validées par un comité d'experts. Des universitaires et industriels qualifiés identifient ainsi les caractéristiques spécifiques de chaque espèce, botanique et chimique, et en contrôlent la qualité (recherche de pesticides, radioactivité, métaux lourds, propreté microbiologique, etc.) avant d'en faire des médicaments, par exemple.

"L'EFFET TOTUM"

"Quand un laboratoire pharmaceutique vend des plantes à des pharmaciens, nous sommes obligés de leur donner un bulletin de contrôle qui reprend toutes les allégations de la pharmacopée française. Ces monographies sont très lourdes et très chères. Alors que lorsqu'on les vend aux boutiques ou aux herboristeries il n'y a aucune obligation de donner un bulletin, même si la qualité est la même", confie Claudine Luu, directrice du laboratoire Phytofrance, spécialisé en produits de phytothérapie, aromathérapie et herboristerie.

La plante concentre une multitude de principes actifs, et il est difficile de déterminer lequel est à l'origine de l'effet sur l'organisme, surtout sans étude clinique. "Pour certaines plantes, il est très probable que ce soit l'ensemble des molécules qui soit responsable de l'effet, comme l'artichaut", explique Julie Subirana, médecin, diplômée en phytothérapie.

C'est l'"effet totum", souvent vanté par les herboristes. "Nos préparations ne changent pas la nature de la plante : pas de modification de la composition, de la concentration de telle ou telle molécule particulière, pas de dosage scientifique de principe actif. C'est d'ailleurs ce qui distingue une préparation herboristique d'une préparation pharmaceutique", soutient Thierry Thévenin, porte-parole du Syndicat des simples, qui regroupe une centaine de producteurs de plantes médicinales en France.

"La tisane a l'avantage de libérer un maximum de principes actifs qui passent immédiatement dans l'eau et qui sont rapidement diffusés dans l'organisme", renchérit Michel Pierre.

148 PLANTES SANS RISQUE

Les plantes médicinales peuvent-elles être dangereuses ? "Bien entendu, car "tout ce qui est naturel n'est pas forcément bon", au risque de contrarier certains aveuglements !, soutient le professeur Anton. Une mauvaise identification peut être dramatique. Par exemple, les racines de vérâtre, qui renferment des alcaloïdes stéroïdiques complexes, peuvent être confondues dans les Alpes avec les racines de gentiane, dont l'amertume est bien connue. Il est donc capital que les identifications de plantes soient réalisées par des professionnels compétents."

Pour Michel Pierre, "un herboriste doit aussi connaître les contre-indications, comme les réserves pour les femmes enceintes ou les interactions médicamenteuses avec les plantes médicinales". La reconnaissance, mais aussi la posologie, la qualité et le mode d'administration de la plante constituent des critères importants. Si la poudre d'ortie, très en vogue pour son apport en sels minéraux toniques, est consommée en excès, elle peut causer des troubles urinaires et une hématurie (présence de sang dans les urines).

Les centres antipoison et de toxicovigilance en France relèvent peu de cas d'intoxication aux plantes sous forme de tisane. "Si cela arrive, c'est souvent de manière involontaire, lors d'une contamination avec une autre plante sauvage au moment du ramassage, ou par confusion avec une autre espèce", témoigne l'un des médecins du centre, qui préfère garder l'anonymat. Par mesure de sécurité sanitaire, les plantes médicinales autorisées sont listées dans la Pharmacopée française par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, ancienne Afssaps). Une liste de 123 plantes toxiques est exclusivement réservée aux médecins et pharmaciens. Pour les autres, 365 plantes sont aussi réservées au monopole pharmaceutique, mais, depuis 2008, un décret a "libéré" 148 d'entre elles, considérées sans risque et accessibles à tous.

RÔLE DE CONSEIL

Ces 148 plantes peuvent être vendues dans tout commerce à condition de ne comporter aucune indication thérapeutique. Parmi elles, certaines sont aussi utilisées en cuisine, comme le thym ou la menthe. Légalement, pas de conseil donc pour les vertus de la camomille ou du laurier, même si la réalité du terrain est tout autre, puisque le consommateur cherche conseil auprès de l'herboriste, du pharmacien intéressé par l'herboristerie ou plus encore dans les magazines et sur Internet...

"Le problème est que ces plantes sont "médicinales". Cela veut dire que vous posez un diagnostic, du coup on frise l'exercice illégal de la médecine !", s'emporte Isabelle Adenot, présidente du conseil national de l'ordre des pharmaciens, farouchement opposé au retour du métier d'herboriste. Quelle différence avec les pharmaciens, alors ? "Nous sommes des professionnels de santé. Nous ne faisons pas de diagnostic, nous donnons un conseil et on dirige si nécessaire vers le médecin", ajoute-elle. Les herboristes ne prétendent pourtant pas au diagnostic et insistent sur leur rôle de conseil. Problème de territoire.

L'ordre des pharmaciens se constitue donc régulièrement partie civile contre des herboristes. Malgré quarante et un ans d'exercices et 30 tonnes d'herbes brassées par an auprès de 60 000 clients, malgré le contrôle régulier d'inspecteurs de pharmacie durant plus de vingt ans et des compétences non remises en cause, le métier d'herboriste de Michel Pierre n'est pas légalement reconnu. "C'est ubuesque...", siffle le procureur de la République dans la salle d'audience, le 4 avril, jour où Michel Pierre comparaissait. Une chasse aux sorcières ? "Oui ! Lorsque vous regardez les jugements entre les deux guerres, on parle encore de sorcières ! Avant la loi de 1941, les pharmaciens faisaient déjà des procès aux herboristes en disant qu'ils faisaient des remèdes secrets !", rappelle maître Patrick Beucher, son défenseur.

CONSEIL DE L'ORDRE

Pharmacien diplômé, Patrice de Bonneval a été poursuivi trois fois en correctionnelle par le conseil de l'ordre. Propriétaire d'une herboristerie à Lyon depuis plus de trente ans, il insiste : "Même à l'époque où j'avais une pharmacie sur laquelle j'avais marqué "herboristerie", ils m'avaient poursuivi parce que le pharmacien n'avait pas le droit de marquer "herboristerie" ! Puis, la justice m'a donné tort mais ne m'a pas fait fermer."

"Ces personnes-là ne sont pas pharmaciens, mais diplômés en pharmacie, rappelle Isabelle Adenot. Elles ne sont pas inscrites à l'ordre, et tant qu'elles ne le sont pas et qu'elles ne travaillent pas dans une pharmacie, elles ne sont pas pharmaciens." Employée dans une herboristerie, diplômée en pharmacie et phytothérapie, Amandine Guyot a vainement tenté de s'inscrire à l'ordre : si les sections pharmacie, industrie, hôpital, etc., sont recensées, aucune section herboristerie n'existe.

En France, quatre écoles privées de plantes médicinales ont pignon sur rue, certaines existant depuis trois décennies, et proposent un cursus sur trois ans, que 300 élèves par an mènent à bon terme. Les enseignements sont délivrés par des professionnels, dont certains sont pharmaciens ou médecins. Pourtant, à l'issue du parcours, la délivrance d'un diplôme n'est pas légalement autorisée.

PHARMACIEN ET HERBORISTE

"Ce qui est inouï, c'est que le pharmacien apprend 30 plantes en faculté, que certains veulent supprimer la botanique cette année et que l'ordre veut garder le monopole ! Ils connaissent 30 plantes, alors que nous, on en connaît 300 à 400", insiste Patrice de Bonneval, fondateur de l'Ecole lyonnaise de plantes médicinales, qui revendique un millier d'inscrits par an. Son établissement délivre un certificat d'"herbaliste", faute de pouvoir le nommer "herboriste".

Si Isabelle Adenot soutient la formation et la connaissance des plantes pour le public, elle rappelle que les pharmaciens font six ans d'études et que, s'ils veulent se spécialiser en herboristerie, ils peuvent compléter leur formation.

Côté consommateurs, "ils font bien la différence entre les pathologies "graves" (cancers...) et celles qui le sont moins (insomnie, stress...). S'ils se traitent par phytothérapie, c'est en premier recours. Ils l'utilisent souvent en automédication avant de consulter un médecin", explique le docteur Julie Subirana, qui a fait sa thèse sur les représentations de la phytothérapie.

RENAISSANCE OFFICIELLE

Victimes de leur succès, certaines plantes comme la rhodiole (Rhodiola rosea L.) ou l'arnica (Arnica montana L.) sont désormais menacées. "Il faut bien avoir à l'esprit qu'aujourd'hui, 90 % des 1 300 espèces médicinales produites en Europe sont récoltées à l'état sauvage, souligne Thierry Thévenin. Il convient d'être très vigilant à propos de la disponibilité et la durabilité d'une ressource végétale avant d'en faire l'usage ou même la promotion."

L'herboristerie française aspire aujourd'hui à sa renaissance officielle, à l'exemple envié de la Belgique ou de l'Allemagne, où l'herboristerie a une place reconnue par les ministères de la santé. En France, même des garants de la loi l'attendent, en témoigne l'étonnant plaidoyer final du procureur de la République dans l'affaire de Michel Pierre : "Formellement, vous serez déclaré coupable, mais j'ai totalement conscience des limites de cette loi puisque l'on est dans une impasse totale. On peut aussi déplorer que le savoir-faire des herboristes, qui existent depuis des siècles, voire depuis toujours, et qui sont les ancêtres des pharmaciens, se perde... J'espère que les législateurs trouveront les moyens de régulariser les choses."
Jugement le 24 mai.

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